Les chimpanzés sont des scientifiques nés

Chimpanzé

Ce matin, j’ai vu passer un article publié le 30 octobre 2025 dans la revue Science. Il s’intitule « Les chimpanzés révisent leur croyance de manière rationnelle ». Son autrice principale est Hanna Schleihauf, qui travaille à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas et à l’Institut Leibniz de recherche sur les primates à Göttingen en Allemagne. Il est expliqué au grand public par le neuroscientifique Brian Hare, dans un autre article de la même revue, avec un titre plus parlant : « Les chimpanzés sont des scientifiques nés ». Ils partagent avec les humains la capacité de réviser rationnellement leurs croyances. Ce point de convergence entre nos deux espèce avait été pressenti par Charles Darwin. Puisque nous sommes parents, des éléments psychologiques, comblant le fossé entre la cognition humaine et non humaine, devaient être présents chez les non-humains, notamment les grands singes.

Certes, il ne s’agit pas de spéculations métaphysiques, parce que les chimpanzés ne sont pas arrivés à ce degré d’évolution, mais de recherche de nourriture. Nos cousins sont capables d’élaborer des « théories » à ce sujet et de les réviser en fonction des informations dont ils disposent. Les expériences ont consisté à cacher de la nourriture dans un tube creux et à observer quand les animaux y jetaient un coup d’œil. Les grands singes étaient plus enclins à vérifier les tubes quand ils contenaient de la nourriture appétissante ou lorsqu’un délai, augmentant leur risque d’oubli, était introduit avant leur recherche.

Il restait à observer comment les chimpanzés révisaient leurs croyances, ce dont s’est chargé l’équipe de Hanna Schleihauf, avec 15 à 25 chimpanzés de l’île sanctuaire de Ngamba en Ouganda. Elle leur a donné huit occasions de localiser de la nourriture cachée dans deux récipients identiques.

Les chimpanzés pouvaient choisir l’un des récipients, mais pas les deux. Pour chaque essai, ils recevaient deux indices successifs : l’un fournissant une preuve solide et concluante, et l’autre une preuve faible et non concluante. Dans la moitié des essais, l’indice solide était présenté en premier, suivi de l’indice faible ; dans l’autre moitié, l’ordre était inversé. Les chimpanzés ont systématiquement fondé leurs choix sur la preuve solide, indépendamment de l’ordre ou du mode de présentation de l’information (visuel, lorsque la nourriture était visible à l’intérieur du récipient, ou auditif, lorsque le récipient émettait un bruit caractéristique de la présence de nourriture lorsqu’on le secouait). Il est à noter que lorsque la preuve faible était présentée en premier, les sujets modifiaient fréquemment leur choix après avoir été exposés à la preuve solide, ce qui est cohérent avec une révision rationnelle des croyances.

Les scientifiques ont fait d’autres expériences pour conforter leur conclusion que les chimpanzés sont capables des modifier rationnellement leurs croyances.

Mais alors, comment se fait-il que les hommes, censés être plus évolués que les chimpanzés, sont incapables de le faire ? Quand ils se trouvent face à des faits qui contredisent leurs opinions, ils se raidissent. Je ne pense pas, durant toute ma vie, avoir fait changer quelqu’un d’opinion, sauf sur quelques points de détail. Il me semble que sur les réseaux sociaux, c’est une tâche absolument impossible. Les gens qui déjà des opinions viennent les conforter et ne le changeraient pour rien au monde, comme s’ils luttaient pour leur survie.

J’ai assisté, durant l’après-midi, à un débat entre des complotistes (les climato-dénialistes), qui croient qu’il n’y a pas de réchauffement climatique ou qu’il n’est pas d’origine humaine, et d’autres complotistes, qui pensent de plus que les traînées blanches parfois laissées par les avions derrière eux contiennent des poisons destinés à nous exterminer. Ce sont les chemtrails. Un homme du premier camp a exposé tout un argumentaire pour expliquer pourquoi le deuxième camp se trompe. En voici un court extrait :

Un tel faisceau d’ignorances, vues les capacités d’information procurées, de nos jours, par l’Internet, ne peut être qualifié que de déni. Massif, de surcroît.

Ce qui précède, ignorances et déni, n’est que le premier degré de la chute finale. Car on remarque aussi une inquiétante disparition du sens de l’observation, cette faculté innée, commune à tous les êtres vivants et indispensable à leur survie. Faculté qui a permis à nos ancêtres chasseurs-cueilleurs de s’adapter à des biotopes différents, parfois franchement hostiles, et d’y prospérer.

Il suffit d’observer à différents moments des avions en vol pour constater que parfois, ils émettent une longue traînée, parfois une courte. Que parfois, ces traînées se dispersent sur le champ, parfois non. Parfois, elles se tordent, parfois non. Parfois elles stagnent et ont tendance à occuper tout le ciel, et parfois elles s’évaporent en formes gracieuses.

Un être normalement constitué, c’est-à-dire quelqu’un ayant les pieds bien à terre et la tête à sa place un peu en hauteur, disons comme un paysan du « monde d’avant », aurait fait ainsi.

Habitué à être attentif aux signaux de toutes sortes envoyés par Dame Nature, il aurait vu que ces variations de traînées vont de pair avec d’autres fluctuations du temps qu’il fait. Et en aurait conclu, logiquement, qu’il y a un rapport entre elles.

Il faut ajouter que ce phénomène est lié aux conditions météorologiques. Dans certaines conditions, les avions ne laissent aucune traînée de condensation de vapeur d’eau (les contrails) derrière eux. Parfois, durant la seconde guerre mondiale, des bombardiers laissaient des contrails qui donnaient un moyen de les repérer.

Dans l’ensemble, c’est très bien dit, mais il était évidemment impossible de convaincre les « chemtrailistes » qu’ils se trompent. Ils en sont presque venus à l’échange d’insultes :

Celui qui prend le pseudonyme d’Al Berinstein (Albert Einstein) est un climato-dénialiste. L’autre est un chemtrailiste, et donc aussi un climato-dénialiste. J’avais déjà constaté que les arguments n’avaient aucune importance pour eux. Plus exactement, ils ne retiennent qui les confortent dans leurs points de vue. Tous les autres sont écartés. Chercher des arguments n’est qu’une manière de se justifier.


Manifestement, les êtres humains disposent d’un mécanisme de défense psychologique, qui les rend difficiles à faire changer d’avis. Je ne parle pas que des complotistes ! Allez voir un croyant et essayez de lui faire comprendre que Dieu n’existe pas. Le premier argument que vous pouvez utiliser est qu’on ne voit jamais nulle part. D’après les catholiques, la dernière fois qu’il s’est manifesté, c’était le 13 octobre 1917 à Fatima, au Portugal. Et il s’est montré pendant que les nations européennes étaient en pleine guerre et n’a rien fait pour empêcher ce carnage.

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