Le déni du réchauffement climatique

Les trois courbes ci-dessous montrent la concentration du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ainsi que la température moyenne globale (TMG) de surface de notre planète et le niveau des mers, par rapport à leurs valeurs pré-industrielles. La concentration du CO2 est donnée en parties par million (ppm). Il suffira de retenir qu’elle était initialement de 280 ppm, soit 0,028 % de l’atmosphère et qu’elle est passée à 420 ppm, ce qui correspond à une hausse de 50 %. L’augmentation constatée de la TMG est de 1,3 °C. Le niveau des mers est connu avec une faible précision avant l’ère industrielle, dont on considère qu’elle a commencé avec l’invention de la machine à vapeur (invention of the steam engine), mais depuis cette invention, on sait qu’il a augmenté de 26 centimètres.

Sachant que les activités industrielles ont rejeté des centaines de milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère depuis le XIXe siècle et que le CO2 est un gaz à effet de serre (il agit comme une couverture posée à la surface de la Terre, retenant sa chaleur), il est naturel d’en déduire que l’humanité est en train de provoquer un réchauffement climatique. Sauf que…

Si je raconte cela sur un réseau social comme Facebook, j’aurai droit à un déluge de réactions ironiques ou agressives. Parfois, il n’y aura pas d’argument, mais des insultes. Récemment, le prévisionniste de BFMTV, Guillaume Séchet, s’est vu accuser de « catastrophisme » pour avoir annoncé sur le réseau social X une « possible canicule généralisée sur la France » pour la deuxième quinzaine de juin 2025. Elle s’est produite comme prévu, avec des températures supérieures à 40 °C en certains endroits. Parmi le flot d’insultes qu’il a reçu, il a relevé le qualificatif de « nazi ». Charmant…

On ne peut pas être d’accord avec la science, mais on quand se comporte d’une manière aussi agressive, on le fait pour des raisons qui n’ont rien à voir avec elle. Il existe un lien entre l’opinion sur le réchauffement climatique et l’opinion politique. En gros, plus on est à droite et moins on y croit. C’est particulièrement vrai aux États-Unis, où être républicain signifie être climato-dénialiste.

Un exemple de discussion trompeuse parmi des myriades d’autres. L’atmosphère n’est plus comparé à une serre depuis longtemps, sauf pour des motifs pédagogiques. Pour savoir ce qu’est l’effet de serre, on peut lire cet article rigoureux et détaillé.

J’ai discuté pendant des années avec un ancien président d’un mouvement nationaliste belge, où figurent des néo-nazis. Évidemment, il est climato-dénaliste. Le contraire aurait été étonnant. Je dois reconnaître qu’il a toujours été poli, mais jamais de toute sa vie il ne voudra reconnaître que l’humanité puisse modifier le climat mondial. C’est une question de principe. Il n’a aucune formation scientifique. Il m’a dit qu’il a étudié jusqu’à dix-huit ans puis qu’il a suivi des cours du soir d’histoire de l’art pendant trois ans. Maintenant à la retraite, il se « renseigne » depuis plusieurs années sur la climatologie, seulement pour conforter ses opinions, mais ce n’est pas en cherchant à démontrer que les scientifiques se trompent qu’on s’instruit en sciences.

Richard Lindzen, invité le 15 décembre 2022 par l’association des climato-réalistes (qui sont en fait climato-dénialistes), explique qu’il y a une augmentation de la concentration du CO2 et qu’elle provoque « un certain réchauffement », moins important qu’annoncé. D’après lui, un doublement de cette concentration devrait faire augmenter la TMG de seulement 1 °C. C’est inférieur à l’estimation de Manabe et Wetherald (voir plus bas). Par ailleurs, la TMG a déjà augmenté de 1 °C pour une hausse de 50 % de la concentration du CO2. Ceci dit, il donne tort aux militants climato-dénialistes de base, qui ont des opinions plus radicales.

J’ai croisé quelques climato-dénialistes qui avaient des connaissances en géologie et en physique, mais pas en climatologie. Ils affirment parfois que cette discipline n’existe pas mais ils disent tous que Richard Lindzen, Roy Spencer, John Christy ou Judith Curry en sont de grands spécialistes… parce qu’ils donnent une base à leurs certitudes. Je sais que Lindzen, ancien professeur de météorologie du MIT, est un libertarien. Ce mouvement politique américain est hostile à toute mesure contre la réduction des émissions de CO2. Avant de défendre l’industrie des énergies fossiles, Lindzen a défendu celle du tabac. Quant à Roy Spencer, c’est un évangéliste. Il affirme que Dieu veille sur nous. Il est un spécialiste de la télédétection, c’est-à-dire des mesures effectuées par satellite, mais je crains qu’il ne soit biaisé par ses croyances. De toute façon, les affirmations des militants climato-dénialistes de base dépassent de loin ce que ces scientifiques disent, jusqu’à être totalement farfelues.

Certains affirment que le CO2 n’a aucun effet parce qu’il ne représente que 0,04 % de l’atmosphère. D’autres disent que l’effet de serre existe et qu’il est saturé : quand on ajoute du CO2 dans l’atmosphère, ça ne change rien. Il n’y a personne pour noter cette contradiction. Certains reconnaissaient que la hausse de la concentration du CO2 est d’origine humaine, mais la plupart affirment qu’elle est d’origine naturelle. Ce seraient les océans qui émettraient du CO2, à cause d’une hausse hypothétique des températures. Ils répètent comme un mantra que les augmentations de la teneur CO2 sont toujours précédées d’un réchauffement, en se basant sur les glaciations du Quaternaire.

L’étude des bulles d’air piégées dans les glaces de l’Antarctique permet de connaître la composition de l’air durant les 800 000 dernières années. On sait de la sorte que la concentration du CO2 oscillait entre 180 et 280 ppm. Elle était basse pendant les glaciations, élevée pendant les périodes interglaciaires. La brutale augmentation de la concentration à 420 ppm ne peut s’expliquer que par l’activité humaine.

Il y a actuellement une succession de périodes glaciaires et interglaciaires dont la période est de 100 000 ans. La dernière glaciation s’est terminée il y a 11 700 ans et la prochaine devrait commencer dans environ 10 000 ans si l’humanité n’avait pas ajouté tant de CO2 dans l’atmosphère. Des scientifiques dont Nicolas Caillon, Jeffrey Severinghaus et Jean Jouzel (détesté par les climato-dénialistes parce qu’il a participé au GIEC), ont démontré que durant une déglaciation il y a 240 000 ans, l’Antarctique s’est réchauffée d’abord, puis la concentration du CO2 a augmenté au bout de 800 ± 200 ans, puis l’hémisphère Nord s’est à son tour réchauffé durant 4 200 ans. De cet article, que les climato-dénialiste n’ont évidemment jamais lu, ils ne retiennent qu’une chose : la hausse des températures précède toujours celle du CO2. Ce n’est pas exactement ce qui est dit. Ils ne précisent jamais ce qui cause le cycle des glaciations : la variation des paramètres astronomiques de la Terre, (excentricité de l’orbite terrestre, inclinaison de l’axe de rotation de la Terre sur le plan de son orbite, précession des équinoxes) décrit en 1941 par le mathématicien serbe Milutin Milankovitch.

Ce phénomène astronomique n’intervient que sur une échelle de temps de plusieurs milliers d’années. Il ne peut pas expliquer le réchauffement planétaire qui se produit depuis le XIXe siècle. La TMG a grimpé de plus de 1 °C en moins de deux siècles, particulièrement depuis les années 1970, alors qu’il faut plusieurs millénaires pour qu’une glaciation se termine. La dernière terminaison a été marquée par une augmentation de 5 °C. Le coupable du réchauffement climatique actuel est évident, pour qui veut bien ouvrir les yeux. Voici une illustration qui complète la première figure :

Concentration du CO2, niveau de la mer, température moyenne globale et fonte de la banquise arctique (en million de kilomètres carrés) durant les 2000 dernières années. La partie droite donne quelques indicateurs supplémentaires pour les 175 dernières années, dont la chaleur emmagasinée dans les océans en zettajoules (1021 joules), l’humidité sur les terres et l’albédo (le pouvoir réfléchissant) des terres. Celui-ci est en train de baisser, ce qui provoque une accumulation de chaleur.

Refuser de voir l’évidence, c’est faire comme ce personnage de Moebius :

Les scientifiques ont cependant examiné d’autres causes possibles du changement climatique. Le Soleil ? L’intensité de son rayonnement varie très peu. Le nombre de taches solaires varie selon un cycle de 11 ans, dit de Schwabe. Le champ magnétique de ces taches s’inverse tous les 22 ans. Au cours de ces cycles, l’éclairement total ne varie que de 0,1 %. Durant le minimum de Maunder, de 1645 à 1715, les taches étaient quasiment absentes. On l’a relié à une période de froid en Europe et en Amérique du Nord appelé le petit âge glaciaire, mais la baisse de luminosité ne suffit pas à l’expliquer. Les climatologues pensent maintenant que de grandes éruptions volcaniques ont rejeté beaucoup de cendres dans l’atmosphère. Ces cendres, les aérosols, ont un effet refroidissant. Les poussières rejetées par l’industrie entre les années 1945 et 1975 expliquent le rejet refroidissement constaté après la seconde guerre mondiale. Les températures ont commencé à monter quand des mesures anti-pollution ont été prises.

Il reste donc le CO2 et d’autres gaz à effet de serre, dont le méthane et les oxydes d’azote, qui sont produits en particulier par l’agriculture. Il faut rappeler ce sont les émissions de CO2 par l’humanité qui sont responsables de l’augmentation de la concentration de ce gaz dans l’atmosphère. En 2024, l’utilisation des combustibles fossiles a rejeté 10,3 Gt (gigatonnes, c’est-à-dire milliards de tonnes) de carbone, soit 37,7 Gt de CO2. Si l’on évalue tout ce qui a été émis depuis le XIXe siècle, on trouve qu’il devrait y avoir plus de CO2 que maintenant dans l’atmosphère. L’explication est que les océans et la végétation en ont absorbé une partie, avec pour conséquence une acidification de l’eau de mer. La biomasse végétale a donc augmenté, ce que les climato-dénialistes ne me manquent pas de souligner ! Mais leur affirmation selon laquelle ce CO2 vient des océans est absurde.

Cycle global du carbone par Friedlingstein et al., 2025. Les stocks, en gigatonnes de carbone, sont représentés par des disques. Il y a beaucoup de carbone dans les océans, mais essentiellement sous forme d’ions carbonate et bicarbonate. Noter l’estimation de 560 Gt de carbone dans les réserves de charbon et de 230 Gt de carbone dans les réserves de pétrole. Les flux sont exprimés en gigatonnes de carbone par an. Il y a des échanges importants entre la végétation et l’atmosphère (130 GTC/an) et entre les océans et l’atmosphère (80 GtC/an), dans les deux sens. L’utilisation des combustibles fossiles émet environ 9,7 GtC/an (10,3 GtC/an en 2024 d’après l’Agence internationale de l’énergie) et le changement d’utilisation des sols (dont la déforestation) émet environ 1,1 GtC/an. La végétation en absorbe environ 3,2 GtC/an et les océans en absorbent environ 2,9 GtC/an.

Il existe un schisme dans leur communauté. Le think tank américain CO2 Coalition, qui est climato-dénialiste et fournit une partie des arguments utilisés, admet que l’humanité est bien responsable de la hausse de la concentration du CO2. En 2024, il a même fourni un argumentaire :

https://co2coalition.org/wp-content/uploads/2024/12/Human-Contribution-to-Atmospheric-CO2-digital-compressed.pdf

Je ne veux pas nier que la climatologie est complexe. Il est très difficile d’évaluer la variation de la TMG causée par une augmentation de la teneur en CO2. C’est là-dessus que les climato-dénialistes « raisonnables » jouent, comme ceux de CO2 Coalition. Quant aux climato-dénialistes de base, trop inculte pour comprendre cet argumentaire, ils s’en tiennent à leur affirmation que « la température précède toujours le CO2 », ou encore que le CO2 est trop insignifiant pour jouer un rôle, ou encore que l’effet de serre est saturé… Au sujet de la faible concentration du CO2, il faut savoir que l’azote, l’oxygène et l’argon, qui constituent plus de 99 % de l’atmosphère, ne sont pas des gaz à effet de serre. Le premier est la vapeur d’eau. Le second est le CO2. Celui-ci intervient pour environ 26 % de l’effet de serre, si bien qu’il n’est pas négligeable. Les nuages, notamment les cirrus, interviennent également dans ce phénomène, sans lequel la Terre aurait une TMG de – 18°C.

Enfin, je rends un hommage à Syukuro Manabe, qui a obtenu en 2021 le prix Nobel de physique pour une modélisation de l’atmosphère effectuée avec Richard Wetherald. Ils ont publié leur travaux en 1967. À cette époque, personne ne se souciait du réchauffement climatique. On ne peut donc pas les accuser d’avoir fait cette publication pour trouver des financements ou pour plaire à quiconque. Leur publication prévoyait une hausse des températures de surface de 2,36 °C en cas de doublement de la teneur en CO2. Mais tandis que la troposphère (jusqu’à environ 10 km d’altitude) devait se réchauffer, la stratosphère devait se refroidir. C’est exactement ce que l’on observe aujourd’hui, grâce aux satellites, alors que si le Soleil était à l’œuvre, toute l’atmosphère devrait se réchauffer. Les observations et les modèles les plus modernes sont en parfait accord.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *